Sofia Amara, Grand Reporter de Choc au Proche-Orient

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La journaliste franco-marocaine Sofia Amara possède un palmarès professionnel qui pourrait faire rêver n’importe quel journaliste en herbe. Basée au Liban depuis 1999 et arrivée dans le métier au hasard des coïncidences et des choix de vie, sa rigueur et son attachement aux histoires des gens l’a menée sur différents terrains de conflits dont la Syrie et l’Irak, pour LCI, France 24, Canal+, Arte, Magnéto Presse ou encore Radio Canada et la TSR. (English Version Below)

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Sofia Amara à Beyrouth devant le Grand Sérail siège du Gouvernement Libanais

Depuis toute petite, Sofia Amara est attirée par tout ce qui a trait à l’expression, aux mots, à la communication, au partage et à la transmission des idées. Aussi, quand elle se retrouve en Jordanie pour la première fois à étudier l’arabe avec des professeurs palestiniens, la première Intifada de 1987 la pousse à écrire ses premiers articles à seulement 19 ans, notamment sur la rupture des liens administratifs entre la Jordanie et la Cisjordanie. « Je n’étais pas allée là-bas pour couvrir l’actualité, j’étais une jeune étudiante qui arrivait de mon Maroc natal non pas pour être journaliste, mais juste pour apprendre l’arabe. Il s’est passé quelque chose et j’ai eu envie d’en parler, c’est tout. Je pense que les événements d’alors, notamment la première Intifada, m’ont donné envie, comme un besoin urgent, de rapporter des faits qui se déroulaient non loin de moi d’abord parce que je trouvais important d’en parler et ensuite parce que ça me permettait de mieux les comprendre. Le fait d’enquêter et de me mettre suffisamment à niveau pour pouvoir prétendre raconter une histoire aux autres, avec le défi de maîtrisier déjà moi-même ce dont j’allais parler, était très important personnellement ».

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Dans le camp des réfugiés palestiniens de Nahr El Bared au Nord-Liban, occupé par les terroristes de Fath al Islam en 2007

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Dotée de sa licence, elle se dirige ensuite vers la France où elle étudie à Sciences-Po Paris tout en travaillant de 1993 à 1999  à Radio Monte Carlo Moyen-Orient. Puis direction Beyrouth :« Je suis venue au Liban totalement par hasard, je me suis mariée à un Franco-Libanais, j’aurais pu me retrouver à Tombouctou ou ailleurs. Le journalisme, je le pratique là où je suis, pas à la façon de certains jeunes qui disent vouloir couvrir exclusivement la guerre et s’embarquent alors pour le Moyen-Orient. C’est toujours le fruit du hasard qui a fait que mon chemin est allé à cet endroit au lieu d’un autre». Ses premiers sujets portent sur la libération du Liban Sud en 2000, les attentats politiques depuis 2005, la guerre de 2006, le camp de Nahr el Bared dans lequel elle a pu s’infiltrer, les clashs de Beyrouth en 2008, et couvre depuis de nombreux événements au Liban et dans le reste de la région. Pour autant, elle rejette le qualificatif de reporter de guerre : « Le reportage en zone à risque n’est pas une spécialité, ce n’est pas une fin en soi. Le journalisme est une activité polyvalente, il faut savoir tout faire et ne pas s’enfermer dans des cases qui des fois n’existent pas ».

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Plateau de France 24 depuis Beyrouth

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Quand on demande à Sofia Amara si le fait d’être une femme est un frein ou un avantage pour travailler dans la région, elle se met à rire : « Cette question revient tout le temps ! C’est un avantage. C’est plus facile quand on est une femme de faire ce metier, je pense. Quand on va dans une zone à risque en étant une femme, ça inquiète moins ceux qui craignent l’infiltration de personnes malveillantes, et lorsqu’une femme prend parfois beaucoup de risques pour arriver jusqu’à ces personnages, en général ils l’acceuillent convenablement ».

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Ayant traité de sujets souvent très difficiles et sensibles voire controversés, la journaliste estime s’être investie «chaque fois de la même manière, c’est à dire pleinement, en trouvant dans chaque reportage de la beauté et quelque chose qui m’a remuée, avec des personnages toujours aussi forts et intéressants. Pour moi, toutes les histoires sont belles à raconter » souligne-t-elle.

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Avec deux victimes yézidies de Daech au Kurdistan irakien (zone de Dohok)

« Évidemment les reportages que j’ai fait sur les enfants soldats de Daech par exemple, cela a été dur parce que ce sont des mineurs. Ce n’est pas la première fois que nous voyons des enfants dans la guerre, dans la misère et le malheur, mais ceux-là en particulier m’ont renvoyé une telle image d’impuissance et d’injustice que ce sujet m’a particulièrement marquée. Mais à peine plus que ce que j’ai pu ressentir sur le combat des Syriens ou celui des Palestiniens ou l’injustice qui règne ici et là dans la region ».

Travaillant principalement pour la télévision, elle se retrouve confrontée au développement du journalisme digital, qu’elle considère « indispensable en ce sens que la télévision est de plus en plus appelée à jouer un rôle secondaire et que la presse écrite est en recul ».

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En tournage de fiction avec le réalisateur Français Bruno Dumont film Hadewijch, Liban

“Pour se tenir informé ou tenir le public informé, il est important que les journalistes, les gens qui font le métier, se mettent à la page digitale. Le monde change et c’est indispensable de rester en contact avec un public qui s’intéresse de moins en moins à la télévision et encore moins à la presse écrite.”

Voir “Peur sur la Ville” Documentaire de Sofia sur le village chrétien de Kaa au Liban attaqué cet été par 8 kamikazes. (l’Effet Papillon 26/9)

La journaliste se rend bien compte que sa situation peut changer mais, malgré les défis et les terrains difficiles, elle compte bien continuer à travailler en se raccrochant à l’amour de son métier, la confiance de ses collègues et de son audience, la chance et le désir d’aller à la rencontre et de pouvoir raconter les histoires de « personnes incroyables. Chaque reportage donne suffisamment de nourriture intellectuelle, humaine, pour donner l’envie de faire le prochain. C’est  le serpent qui se mord la queue mais dans le bon sens ».

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Octobre 2016

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