Projet initié par IPEMED (Institut de Prospective Economique du monde Méditerranéen), “La Verticale Afrique-Méditerranée-Europe” est une Fondation qui est sur le point d’être mise en place. Cette Verticale Afrique-Méditerranée-Europe (AME) a donc l’objectif de passer d’une Méditerranée Marginale à une Méditerranée Centrale.
Promouvoir l’idée que la régionalisation du “quartier d’orange” Afrique-Méditerranée-Europe est une perspective réaliste constitue l’un des objectifs principaux de ce programme lancé par IPEMED. Afin d’en savoir plus sur ce concept, Kamsyn a été invité pour un entretien exclusif à l’ESA avec M. Jean-Louis Guigou, Président de cet Institut de prospective et de SE Miguel Angel Moratinos, ancien Ministre Espagnol des Affaires étrangères lors de leur visite à Beyrouth (28 Mars 2017).
A la Conférence ont assisté S.E Milagros Hernando Ambassadrice d’Espagne au Liban (co-organisatrice de l’évènement avec M. Jean-Marie Paintendre Conseiller International de l’IPMED ainsi que l’ESA) de même que plusieurs Diplomates, Hommes et Femmes d’Affaires, étudiants et journalistes interessés par ces enjeux.

Contexte général
“Nombreux sont les chefs d’entreprises libanais qui font partie de l’IPEMED, puisqu’ils considèrent que la Méditerranée est en mesure de redevenir une grande zone d’activités économiques” explique Guigou. La région est aujourd’hui, certes, mouvementée, en raison des crises, révoltes et dissensions, mais tous les experts confirment l’aspect passager de cette situation. “En créant la Verticale, nous donnons lieu à l’émergence d’une grande région économique, à l’accélération d’une intégration régionale et nous garantissons un siècle de croissance” précise le président de l’IPEMED.
D’après lui, l’Europe est, de nos jours, menacée de stagnation et de léthargie, d’où le besoin d’un relais de croissance. Après la crise de mondialisation en 2008, les entreprises industrielles ont décidé d’opter pour un compactage des chaines de valeur, de réduire les sites de production, de jouer la proximité.

La Régionalisation, un Intérêt renforcé
Jean-Louis Guigou explique qu’il y a deux manières d’internationaliser l’économie : la Mondialisation (qui a mené à une délocalisation et à un populisme) et la Régionalisation (constituer une sorte d’union avec le “voisinage”). C’est à cette deuxième alternative qu’il faut recourir, comme l’indique Guigou, pour des raisons de proximité, de complémentarité et de solidarité. Alors qu’en 1995 un rapport de dominant-dominé et de centre-périphérie a été établi entre l’Europe puissante et les pays arabes moins favorisés, imprégnés pour la plus part de dictature, aujourd’hui, et depuis les révolutions arabes, nous passons “d’une Méditerranée marginale à une Méditerranée centrale” qui constitue un relais entre l’Europe et l’Afrique. “Cette Méditerranée est appelée à devenir le centre du commerce et des activités économiques, ce qui renforce inéluctablement l’attractivité des marchés”.

Réalité Géopolitique
Se prononçant sur cette question, l’ancien Ministre Espagnol des Affaires étrangères, SE Miguel Angel Moratinos confie à Kamsyn avant sa conférence généreusement applaudie qu’ “une période de l’histoire de la Méditerranée vient d’être conclue. Nous assistons à un cheminement vers une nouvelle étape de l’histoire de cette partie du monde. La Méditerranée se trouve aujourd’hui face à une nouvelle réalité géopolitique où tous les conflits du passé sont à résoudre et où les défis du présent et du futur sont à relever”.

Conflits d’intérêt, guerre et paix, disputes territoriales, problèmes en matière d’eau, d’énergie, de démographie, d’immigration, de réfugiés, de terrorisme se trouvent sur cette croisée de chemins qu’est la Méditerranée. Tous ces éléments font de cette “région” un terrain d’inquiétude, d’interrogations et de préoccupation mais aussi surtout de grandes opportunités . “Le futur de la Méditerranée va déterminer celui de l’Europe, du Proche-Orient et de la communauté internationale”, comme l’affirme S.E Moratinos.
Collaboration Liban-Espagne
L’ancien Ministre Espagnol met l’accent sur la responsabilité du Liban et de l’Espagne en termes d’identification des grands enjeux et des défis de la Méditerranée. “Ces deux pays doivent effectivement être capables de s’engager de manière sérieuse pour trouver des solutions pratiques à toute la problématique complexe de la Méditerranée”, assure Moratinos.

“Nous sommes aujourd’hui au Liban avec IPEMED pour donner suite à notre engagement vis-à-vis de la Méditerranée en lançant des initiatives novatrices au niveau de la philosophie et de l’approche adoptées”, continue-t-il. C’est dans ce sens qu’IPEMED, cette institution qui fait de la prospective et de l’orientation politique, est parvenue, après 10 ans d’études et d’analyses, à la conclusion suivante : dans le monde dans lequel nous vivons, nous ne pouvons traiter le phénomène de globalisation “qui réduit le voisinage” que si notre perception de cette approche tend vers davantage de régionalisation.

C’est dans cette mesure que la Méditerranée pourra redevenir le centre de gravité des actions politiques, d’où l’importance de la Verticale : Afrique, Méditerranée, Europe.
Programmes d’Action
La Verticale suivra 5 programmes d’action qui seront mis en place de façon indépendante mais toutefois concomitante. Il s’agit d’abord de la mutualisation des informations stratégiques à travers une plateforme de référence où seront réunies et traitées les informations les plus pertinentes sur la région.
L’animation d’un réseau de laboratoires sur l’intégration de la région Afrique-Méditerranée-Europe s’ensuivra. L’objectif ? Approfondir la connaissance (données multiples, analyses quantitatives et qualitatives, cartographie, création de bases de données, scénarios de prospective) pour éclairer les tendances lourdes qui sont à l’œuvre et qui vont dans le sens de l’intégration.

Ce réseau aura six pôles : deux en Europe, deux en Méditerranée (Maghreb et Moyen-Orient) et deux en Afrique subsaharienne (anglophone et francophone). Dans un troisième temps, la Verticale œuvrera à animer des groupes de travail internationaux et pluriacteurs pour identifier et lever les obstacles pouvant freiner le développement de certains secteurs clés et parler d’une seule voix aux décideurs politiques.
Ainsi, l’organisation de séminaires thématiques de haut niveau pourrait être envisagée afin de faire se rencontrer les décideurs publics, privés et associatifs, d’identifier les acteurs à fort potentiel et de créer un réseau de confiance au sein de la région AME. Le cinquième programme consistera, quant à lui en la médiation et l’influence en faveur de la grande région AME afin que des décisions politiques soient prises pour une intégration plus profonde entre les trois espaces de la région.
Natasha Metni pour Kamsyn
Suite de l’Interview:

