Le Thème “L’Individu et la Société” a fait l’objet d’une soirée de performance artistique organisée par l’Ambassade de Suisse au Liban, sous le titre “The Lady with a Thousand Faces” (la Dame aux Mille facettes). Ce voyage mené avec brio par Clarina Bezzola a été suivi d’une invitation à une odyssée orphique sur les cordes vibrantes de Miles Pittman; cela devant un public raffiné constitué d’invités prestigieux réunis pour l’occasion par l’Ambassadeur de Suisse au Liban S.E François Barras.

Telle une silhouette fantôme, l’Artiste se glisse sur scène, un miroir masquant sa face et surplombant une longue robe médiévale qui inspire mystère et profondeur d’âme. Son parcours est saccadé. De longs arrêts qu’elle entreprend devant chaque spectateur font plonger le regard de ces derniers dans la glace froide mais pénétrante. Tout se passe comme s’ils se découvraient pour la première fois, comme si leur inconscient leur était reflété à travers ce miroir de l’âme. Ils sont désormais conscients de leur individualité. Le silence qui règne et pèse lourd dans la salle est rompu par la voix enchanteresse de Clarina Bezzola.

Les vers qui constituent l’essence de la musique de Francesco Cilea, pur représentant du courant “vériste” de l’opéra à son époque et qui compose Adrianna Lecouvreur en 1902, sont prononcés par Bezzola. L’on peut entendre l’air “Io son l’umile Ancella” qui demande légato, souffle et sensibilité; sublimement interprété par l’artiste.

Clarina Bezzola ou la Psychée libérée
Sculpteur, peintre, artiste de performance et chanteuse classique née en Suisse romande, Clarine Bezzola ne tarde pas à se frayer un chemin vers la liberté. Issue d’une famille traditionnelle “gouvernée” par les mœurs, la jeune femme se livre à la découverte de son être et de ses passions. C’est lors de son séjour à New York en 1990, provoqué par le hasard, qu’elle se détache de toute forme d’oppression sociale et s’affranchit du joug de l’ “utile” et du “nécessaire”.

C’est également à New York, au Parsons School of Design, qu’elle fait les beaux-arts, se spécialise en design mobilier et apprend à manipuler l’or et l’argent pour la création d’armures. Son goût pour la musique et pour le chant, elle le découvre à l’âge de quinze ans. Aujourd’hui, ses performances pluridisciplinaires mêlant chansons, costumes, sculptures, peintures et théâtre interactif font le tour du monde. Son art consiste en une analyse de la vie, de l’égo (le Moi), de l’inconscient et de la société (qui souvent représente le Surmoi). “Nous avons beau être rebelles, l’essentiel est de ne pas tomber dans le piège de l’autre extrême: s’opposer à ce contre lequel nous nous révoltons” affirme Clarina Bezzola.
Pour éviter une telle “tragédie”, l’essentiel est de recourir à l’inconscient, comme le souligne l’artiste. En d’autres termes, il s’agit, selon elle, de comprendre que le cerveau est un ordinateur qui interprète et transforme tout ce que le corps expérimente.
Si nous croyons tout ce que le cerveau nous transmet, nous courons inéluctablement à notre perte. D’où l’importance d’effectuer un retour au moment originel et sensoriel, celui qui a déclenché toute émotion en nous afin de devenir ce que nous avons toujours été.

Miles Pittman, une réflexion fidèle à l’identité culturelle
Originaire de Greenville en Caroline du Sud aux Etats-Unis, Miles Pittman étudie l’art dramatique à la London Drama School. Dans la deuxième partie de la performance“The Lady with a Thousand Faces“, Miles Pittman aborde la question de soi et de l’identité culturelle de tout individu. De la musique baroque au blues sud-américain, l’acteur, musicien et compositeur américain transporte le spectateur dans un univers à la fois baroque, country et western, qui affectionne des thématiques liées aux voyages et aux trains. Miles Pittman maîtrise parfaitement le yodle, technique vocale qui consiste à passer rapidement de la voix de gorge à la voix de tête, ce mode de production sonore étant très pratiqué chez les vachers des Alpes suisses et autrichiennes et dans certaines musiques traditionnelles africaines (éthnie Sena, chants de guérison en Namibie…).
Le bluegrass ne manque pas à la performance de Miles Pittman qui défend la ruralité par le style western swing. Tant d’éléments qui font de “The Lady with a Thousand Faces” une performance pluridisciplinaire mise en relief par une certaine simplicité qui sait trouver les accents et les effets les plus intenses propres à émouvoir un public ravi.
“Voilà, je respire à peine Je suis l’humble servante du Génie créateur
Il m’offre la parole, et moi je la répands vers le cœur… Je suis l’accent du vers,
l’Echo du drame humain, le fragile instrument vassal de la main.
Douce, gaie, atroce, je me nomme Fidélité : ma voix est un souffle qui mourra au jour nouveau”.
Par Natasha Metni pour Kamsyn