Le métier d’acteur n’est pas toujours évident. Que serait-ce lorsqu’il s’agit de jouer le rôle d’un non-voyant, de se mettre dans sa peau, de vivre son quotidien, de tenter d’éprouver son ressenti ?
Tramontane est d’emblée un film captivant. Le mot renvoie au “Vent de la Méditerranée occidentale qui souffle du continent vers la mer”. Une désignation si symbolique qu’elle donne tout son sens au film de Vatche Boulghourjian. “Ce dernier était à la recherche d’un acteur capable de jouer le rôle principal de Rabih, un jeune non-voyant en quête d’identité”, explique Mme Marie-Rose Gemayel, Directrice de l’Ecole libanaise des aveugles et des sourds-muets (LSBD).

Ayant visité l’établissement avec pour intention de filmer des scènes dans l’enceinte du bâtiment, le réalisateur fait la connaissance de Barakat Jabbour, un non-voyant talentueux de 25 ans, qui fait son entrée à l’Ecole libanaise des aveugles et des sourds-muets à l’âge de 5 ans. Cette rencontre a été délicatement provoquée par la Directrice même de l’Ecole qui a soumis à M. Vatche Boulghourjian l’idée de faire en sorte que l’acteur recherché soit réellement non-voyant. Après avoir manifesté des réticences vis-à-vis de cette proposition, le réalisateur finit par succomber au charisme de Barakat Jabbour, à son brilliant talent et aussi à sa personnalité imposante.
Des débuts du film au Festival de Cannes: Synopsis
C’est aux Etats-Unis, à New York que le scénario a vu le jour, il y a bon nombre d’années. La production et la réalisation du film ont duré deux ans. Ce premier long-métrage du jeune cinéaste libanais Vatche Boulghourjian, formé à l’université de New York, relate l’histoire de Rabih (incarné par Barakat Jabbour), chanteur et violoniste de 24 ans, né en 1989 (un an avant la fin officielle de la guerre civile au Liban), privé de la vue en raison d’un accident subi durant l’enfance et qui se consacre avec passion à son art.

Ayant reçu une proposition pour aller en tournée en Europe, accompagné de sa chorale, Rabih se trouve dans l’obligation de refaire ses papiers d’identité alors qu’il cherchait à retirer son passeport à la Sûreté générale. A son grand malheur, il s’avère que ces documents officiels ne sont pas totalement authentiques, comme le lui relève les responsables du commissariat auquel il se rend.
Son certificat de naissance étant introuvable, Rabih découvre que sa mère (interprétée avec brio par la vedette Julia Kassar) n’est pas sa mère biologique. Ses véritables parents ayant été tués dans une zone de combats pendant la guerre, Rabih est ramené chez elle par son frère, “l’oncle Hisham”. Se remémorant les scènes atroces de la guerre libanaise et se les reconstituant, Rabih tente de inlassablement de construire le “puzzle” de ses origines.

Un film qui connait un grand succès au Liban et à l’International
Né de la volonté de Abbout productions et de la boîte de production Le Bureau qui ont cru en l’histoire proposée, Tramontane a été présenté à Cannes, en 2016, dans le cadre de la Semaine de la critique. Le film a également reçu le Prix de la découverte au Festival du film francophone de Namur ; ainsi que du soutien de la Biennale de Venise, de Georges Schoucair, Caroline Oliveira et Gabrielle Dumon et des producteurs exécutifs Alexandre et Philippe Akoko.
Toutefois, la manière avec laquelle le scénario est constitué et les scènes jouées, il n’est pas sans dire que « Tramontane » met le doigt sur la plaie, celle de tous les Libanais ayant souffert des affres de la guerre. Désorientation, quête d’identité, cécité, obscurantisme, non-dits, … tant d’éléments constitutifs du film de Vatche Boulghourjian qui semble suggérer une métaphore du trauma “mental” et “moral” de la société libanaise suite à la guerre. Plus encore, il est à noter que le réalisateur a voulu mettre l’accent sur le caractère autonome d’un non-voyant. C’est en mettant en scène un Rabih fort, indépendant, vaillant et obstiné à connaitre la vérité que tout le stéréotype que la population peut avoir sur les non-voyants tombe à l’eau.

Sur l’Ecole libanaise des Aveugles et des Sourds-muets
Fondée en 1957 par Mme Zalfa Chamoun, épouse de l’ancien Président libanais, Camille Chamoun, l’Ecole libanaise des aveugles et des sourds-muets de Baabda accueille, depuis son ouverture, et sans aucune discrimination toute personne en besoin. Il s’agit d’une école mixte, offrant des programmes quotidiens en collaboration avec le Ministère des Affaires sociales. L’objectif premier de l’Ecole consiste à assister les élèves dans leur parcours pour leur permettre de réaliser pleinement leur potentiel dans une parfaite autonomie et dans des conditions sociales et économiques appropriées. Cela dans le but dans développer leurs talents professionels, artistiques et sportifs afin qu’ils soient des membres actifs au sein de la société et l’enrichissent de leur dynamisme et compétences.