Médecin psychiatre en exercice au Liban depuis 1995, Dr. Elio Sassine est passionné de photographie. Il pratique la photographie aérienne au moyen de drones depuis plusieurs années. Ses sujets de prédilection sont les ruines et les paysages à caractère abstrait. Ses photos ont été publiées dans des magazines, livres et sites mondialement reconnus et il a récemment été lauréat du concours ‘Vue d’en haut/Frontières’ à l’Espace photographique Arthur Batut en France. Cofondateur et vice-président de l’Association pour la Protection de l’Enfant de la Guerre (APEG), il œuvre depuis maintenant plus de 25 ans, aux côtés de professionnels de la santé mentale, pour que toujours plus d’enfants et d’adultes aient accès aux soins, aux consultations, aux cliniques. C’est donc dans le but de soutenir cette association, qui a pour but de protéger les enfants touchés par la guerre, que le Dr. Sassine a lancé son livre ‘Le Liban A Vol d’Oiseau’ publié chez RAWIYA Editions. C’est à Beit Beirut, Sodeco, que cet ouvrage présentant des photographies aériennes du Liban prises par un drone et donnant à voir une diversité étonnante de paysages sous des aspects peu connus a été signé par l’auteur le 28 Novembre 2018 en présence de personnalités et d’une foule nombreuse. Une exposition de photos prises par l’auteur et la projection d’une vidéo ont suivi la signature du livre, organisée par la célèbre Cynthia Sarkis Perros. Rencontre.
(toutes les photos copyright Dr. Elio Sassine)
Pouvez-vous d’abord nous parler de votre parcours ? Quand et comment la passion pour la photographie vous est-elle venue ? Que signifie, pour vous, l’art de la photographie ? Comment cet art facilite-t-il la transmission de certains messages ?
Je n’ai jamais été un photographe professionnel, ni ne me considère artiste. Ma vraie passion était de faire voler des drones. Mais j’ai toujours aimé sortir, découvrir de nouvelles régions, m’amuser. Et au cours de ces ballades, je prenais des photos que je postais sur les réseaux sociaux. Depuis que les drones sont dotés de caméras très performantes, l’idée de faire des photos aériennes m’a traversé l’esprit. Encouragé par mes amis, j’ai décidé de publier les photos que j’ai prises au cours de mes randonnées, dans ce livre.
Pouvez-vous nous parler de vos dernières photographies ? Aviez-vous publié auparavant d’autres ouvrages de photos ? Comment/selon quoi choisissez-vous les paysages à photographier ? Faites-vous des portraits ? Qu’est-ce qui vous inspire surtout ?
Je n’ai pas de dernières photographies parce que j’espère ne jamais m’arrêter d’en faire. Ce livre est mon premier ouvrage. Je sillonne les régions du Liban à pied parce que j’aime la randonnée et je photographie ce qui m’attire. Souvent, je commence par entreprendre des repérages sur « Google Maps » pour les régions qui ne me sont pas familières ou pour essayer de détecter des structures intéressantes à photographier du ciel. Il est très difficile de faire des portraits avec un drone mais on pourrait essayer si vous êtes volontaire. Pour ce qui est de mes sources d’inspiration, c’est la nature qui, en général, m’inspire mais ce sont aussi les ruines antiques ou celles plus récentes.
Comment faites-vous en sorte que le spectateur découvre un « pays autre » ? Quelle image du Liban voulez-vous donner à voir ? Par quels moyens le faites-vous ? Dans quel but ?
Je fais de la photographie aérienne. C’est une autre vision, un autre œil. Avec la technique des drones, la géométrie joue un rôle très important. On peut jouer avec les formes, changer d’angle. Il y a une prise de recul et de distance qui fait que la perspective du paysage est totalement différente.
Quel rapport cherchez-vous à établir entre le spectateur et vous-même à travers vos photographies ?
Je transmets à travers mes photos des paysages, des structures ou des motifs qui m’ont plu et m’ont souvent ému. J’espère simplement transmettre ces émotions à mes lecteurs.
Vous êtes co-fondateur et vice-président de l’Association pour la Protection de l’Enfant de la Guerre. Pouvez-vous nous parler davantage de cette association ?
L’association pour la protection de l’enfant de la guerre est une ONG fondée en 1996, au lendemain de l’invasion israélienne au Liban-Sud et au massacre de Qana, le but étant de créer des dispensaires de santé mentale gratuits dans des régions où ces soins n’existaient pas. Nous offrons donc des consultations et des soins psychiatriques et psychologiques aux enfants mais aussi aux adultes dans les centres de Beyrouth, à Nabatiyeh, à Tyr, à Marjeyoun, à Zahlé et à Baalbek. Il faut préciser que malgré le nom de l’association, les soins sont adressés tant aux enfants qu’aux adultes et couvrent toutes les pathologies mentales, pas seulement celles associées à la guerre. C’est le Dr. Myrna Gannagé qui est présidente de l’APEG.
Vous avez pris vos dernières photos avec un drone. D’après vous, avoir recours à une telle machine relativement assez automatisée et à distance n’annulerait-il pas en quelque sorte le rôle du photographe ? Où se situe l’art dans un tel cas ?
Je prends toutes mes photos avec un drone. Le drone ne prend pas de photos automatiquement. C’est juste une plate-forme qui permet de faire voler une caméra. Donc le rôle du photographe reste entier et pareil à celui du photographe qui prend des photos au sol ou dans un studio. La démarche artistique reste intacte.
Un rapport étroit lie la photographie à la psychologie. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
En ce qui me concerne la photographie aérienne associée à la randonnée représente un plaisir et surtout une évasion. C’est donc essentiellement une activité de détente et d’expression de certaines émotions.
Vos projets futurs ?
Continuer à me balader quand j’ai le temps de le faire, à faire voler mes drones et à prendre des photos… et les publier si elles plaisent.
Un dernier mot ?
Un des buts du livre ‘Liban à Vol d’Oiseau’ est d’encourager les Libanais et Libanaises à sortir de leurs régions, à en découvrir d’autres, à aller à la rencontre de ‘l’Autre’. 28 ans après la fin de la guerre, les Libanais continuent à se diaboliser mutuellement alors qu’ils se ressemblent tellement et partagent des valeurs et des habitudes identiques. J’entends souvent (et malheureusement) des gens autour de moi s’étonner : «c’est au Liban que cette photo a été prise ? »…