
L’Hiver venu, en pleine tempête, il fait toujours bon se réchauffer le coeur et l’âme avec des rencontres imprévues et pleines de belles surprises. J’ai eu le plaisir de recevoir au Studio la visite de Issa Goraieb, éminente figure du journalisme.
Éditorialiste et ancien rédacteur en chef de l’Orient-Le Jour, Issa humaniste, passionné par son métier, célèbre cette année ses cinquante ans de carrière. C’est ainsi qu’il a accompagné, et informé ses lecteurs tout au long de l’histoire du Liban.
D’autre part, ceux qui le connaissent bien l’ont souvent vu sur scène, accompagné de son inséparable saxophone, jouant le blues entourés de ses amis du Monday Blues Band dont son fils Fouad ainsi que Kamal Badaro, tous deux guitaristes de renom. Kamal étant l’un des fondateur du groupe, avec Pierre Issa notamment. Ou encore avec le Real Deal Blues band et ses guitaristes hors-pair, Hani Alayli et Elie Abi Farah. Exutoire d’un monde en constante ébullition, c’est au cours d’un de ses solos dignes de Lee Allen, Charlie Parker ou Jr Walker, que j’ai eu la chance de l’écouter, puis de le rencontrer.
Il est de ses figures qui interpellent le photographe ; Issa en est une. Un visage expressif tout droit sorti des films italiens de la Cinecitta des années 60, une démarche de bluesman américain, entrant dans la lumière. Ouvert et accueillant, c’est alors avec une élégance naturelle tel les “Big Cats” du Blues, que Issa s’est installé sous les projecteurs pour la séance photo.
Aux portraits en photos reproduits ici, s’ajoutent donc quelques questions et réflexions échangées une fois la session terminée. Autour d’un single malt Balvenie 15 years, aux arômes caramel sublimées par l’ajout d’ « une seule goute d’eau ».
Alors pourquoi le blues ?
Il faut dire que c’était le rock’n’roll d’abord. Adolescent en 1956, j’étais grand fan d’Elvis, Bill Halley, Domino Fats et Little Richard. Le jour où je me suis acheté ma première guitare à quatorze ans, j’ai passé l’après-midi devant la glace à imiter Elvis (rires). Enfant j’adorais écouter du Jazz, ma mère m’a même raconté plus tard que j’enroulais un papier journal en forme de trompette, et je soufflai avec le disque qui jouait. C’est ainsi qu’elle a eu l’idée de m’offrir mon premier disque de Jazz « The Glen Miller Story » ; j’ai eu beaucoup de chance.
C’était donc le premier d’une grande collection ?
C’est exact, aujourd’hui j’ai constitué une véritable Cd-thèque avec plus de mille disques de Jazz, Blues et Bossa Nova.
Alors il n’est pas étonnant que le Sax vous ai choisi ?
À l’occasion de notre 25ième anniversaire de mariage, ma femme m’a fait un cadeau exceptionnel. J’ouvre un paquet immense et je tombe sur un Saxophone Alto ! Passé la surprise et l’enthousiasme du départ puis, motivé par l’idée d’apprendre à jouer au plus vite, je vais instantanément l’échanger pour un Ténor Sax au son plus chaud que je préfère.
Je tombe alors sur un merveilleux saxophoniste, Tom Hornig, qui avec beaucoup de patience m’initie au rudiment de l’art. Ce n’est qu’après deux ans de leçons, que Tom qui commence à être satisfait des progrès de son élève, m’inclus dans son cercle d’amis musiciens. Chaque note qui sort de mon Saxophone sur scène aujourd’hui c’est à Tom que je la dois, et à la patience de mes voisins (rires)

Et la musique au Liban aujourd’hui pour vous c’est ?
Essentiel ! Le Liban est d’une richesse exceptionnelle grâce à son multiculturalisme musical. Du rap au tarab en passant par le blues et l’opéra ; l’on trouve de tout et la liste n’est pas exhaustive. Le talent des jeunes est impressionnant. La musique est un ingrédient majeur de notre civilisation au Liban. Lorsqu’en 1992 après la guerre nous avions remis sur pied quelques groupes musicaux, nous n’étions qu’une poignée.
Aujourd’hui je suis très fier de voir la jeune génération briller au Liban et à l’international. D’ailleurs, là où nous nous produisons nous essayons d’inviter souvent sur scène des jeunes, qui souhaitent se lancer dans ce domaine, ce qui est souvent plus dur de nos jours.
À propos du monde d’aujourd’hui, il semble que le journalisme soit entrain de faire face à des défis de plus en plus nombreux ; dont le déluge d’informations provenant d’un peu partout sur le globe et en temps reel. Quel serait alors le rôle du Journaliste dans ce contexte là ?
Il faut dire qu’avant internet et à mes débuts, nous avions ressenti cela avec le rôle accru de la télévision qui desservait des informations d’actualités plus rapidement que les journaux. Or, la presse écrite se base sur le devoir d’informer, mais aussi d’analyser les informations afin d’en tirer un sens éventuel et des projections possibles. C’est ce recul là qui est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, afin de traiter les sujets de l’heure et les faire parvenir à nos lecteurs. Dans d’autres pays du monde, il existe aussi bien sûr le journalisme d’investigation, qui prend le temps et les ressources nécessaires afin d’enquêter sur les tragédies et scandales.Il est évident qu’une presse libre est une des bases fondamentales de nos démocraties.